Au début de l’ère chrétienne l’habitude avait été prise en Occident et plus spécialement en Gaule d’inhumer les morts à l’intérieur des sanctuaires. Une tradition si bien ancrée que, jusqu'à l'époque moderne, certaines paroisses ne disposaient pas de cimetière. Dans les églises le chœur était réservé pour l'inhumation des curés du lieu ainsi qu’aux patrons de la paroisse et à leur famille, la nef et les bas-côtés étant accessibles pour le reste de la population. Il fallait néanmoins acquitter un droit de sépulture pour y accéder. La vente des emplacements constituait une des ressources de la communauté. Des fonds sur lesquels était prélevé l'argent pour assurer, entre autres, les réparations de l'édifice. Le prix dépendait des paroisses puisqu'il était fixé par chaque communauté paroissiale. Il se peut que dans certaines paroisses aux ressources limitées, on ait favorisé des prix modérés afin de faciliter les inhumations dans l'église.
L’inhumation dans le cimetière, quand il existait, était en revanche gratuite. Encore que ceux qui ne parvenaient pas à obtenir une place à l'intérieur de l’église, cherchaient à s'en trouver le plus près possible, de façon à avoir la meilleure part aux prières et à la protection des reliques des saints. Ce qui fait que ces endroits privilégiés devaient probablement être aussi monnayés. Pour le reste, en raison de leur gratuité, les cimetières étaient plutôt dévolus aux pauvres.
La pratique des sépultures à l’intérieur des édifices religieux a néanmoins commencé à se réduire dès le début du XVIIIe siècle sous l’effet de la pression continue des différentes autorités, essentiellement pour des raisons sanitaires[1]. Malgré tout il pouvait se produire des cas de force majeure où l’inhumation dans le sanctuaire devenait incontournable. Ainsi en février 1773 à Haleine[2], il gelait si fort que cela empêcha de creuser une tombe dans le cimetière. Nicolas Mathieu Letourneur, le curé, n’eut alors d’autre choix que de se rabattre à l’intérieur de l'église. Comme cette pratique était de moins en moins tolérée, il s'est senti obligé de la justifier dans l'acte. Mais il n’a pas précisé si, dans ce cas, les parents de la jeune fille défunte ont étés exonérés ou contraints d’acquitter un droit de sépulture.
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cure soussigne a été inhumé dans la neffe de cette eglise
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corps d a cause des gellées
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p[rê]tre de
haleine[3]
[1] En 1777, un édit de Louis XVI a interdit définitivement les inhumations dans les églises, hormis quelques cas bien précis. Dans les faits elles ne cessèrent que progressivement, pour disparaitre complètement vers 1830.
[2] Haleine est une ancienne, située dans l’Orne, devenue le 1ᵉʳ janvier 2016 une commune déléguée au sein de la commune nouvelle de Rives-d'Andaine.
[3] Acte extrait du registre paroissial, A.D. Orne, Haleine 3E2_200_1_3, vue 28/137.

